Le Chiffre Déchaîné n°173

La complémentaire santé : de l’art de transformer un réel avantage en cosmétique

La réunion de la commission paritaire permanente nationale d’interprétation, de négociation et de conciliation (CPPNIc) de la branche des experts-comptables et des commissaires aux comptes qui s’est tenue en décembre a porté notamment sur la négociation potentielle d’un accord sur la complémentaire santé. Une telle négociation peut paraître positive dans une branche où les travaux sont plus que restreints et au sein de laquelle la dernière négociation qui a abouti, sur le télétravail, a surtout permis au patronat de se doter d’un accord en dessous des droits prévus par l’accord national interprofessionnel sur le sujet. Ça valait bien la peine !

Dans un tel contexte, nous nous sommes lancés dans cette négociation avec l’idée de ne pas permettre de faire une simple négociation marketing pour permettre au patronat de faire de la pub avec un accord qui ne serait qu’une coquille vide. De surcroît, une telle négociation, portant a minima sur 40 000 salariés donne du poids face aux institutions de prévoyance et de complémentaire santé pour négocier.

Pour travailler, nous avons invité un certain nombre de professionnels du secteur de la santé dont des actuaires. Hélas, le patronat a dès le départ montré son intérêt pour limiter les prises en charge : il pousse à circonscrire autant que faire se peut la négociation sur la question de l’hospitalisation qui est bien évidemment importante, mais qui n’est pas l’alpha et l’oméga de la complémentaire santé. Les arrêts de travail, les remboursements liés aux soins médicaux classiques comme spécialisés, les soins dentaires le sont tout autant.

Le point d’achoppement porte pour le moment sur la question des lunettes, les actuaires nous expliquant, encouragés par le patronat, qu’il suffit de mettre individuellement de l’argent de côté. Donc, dans une branche dont l’activité consiste principalement à passer des heures sur des tableurs Excel, on écarte rapidement le besoin de voir correctement. Intéressant ! Gare à ceux qui ont des problèmes de vue depuis l’enfance et ceux qui ont passé les 40 ans ! Et ceci est à mettre en parallèle avec des pratiques qui ne font pas débat et qui pourtant pourraient être discutés. Ainsi, par exemple, des professionnels comme les kiné qui en mettant sur leurs plaques ostéopathes peuvent facilement faire flamber leurs honoraires et permettre à leurs patients d’être remboursés malgré un effet positif toujours hypothétique alors que les lunettes, pourtant indispensables pour certains pour travailler ne le seraient pas.

Bref, à date, si un accord devait être conclu, il serait bien en deçà de ce que l’on observe dans les petits cabinets qui protègent mieux leurs salariés en négociant seuls qu’ensemble, avec un collectif de 40 000 salariés. Evidemment nous ne lâcherons pas pour protéger au mieux la santé et les droits des salariés.

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Le Chiffre Déchaîné n°173