Action juridique contre le LBD 40 et pour la liberté de manifester : le combat doit se poursuivre

Note DLAJ aux organisations

Depuis plus d’un an, la CGT a décidé, aux côtés de la Ligue des droits de l’homme (LDH), du Syndicat de la Magistrature et du Syndicat des avocats de France, d’entamer une bataille juridique pour obtenir l’interdiction du LBD 40, arme de mutilation utilisée par les forces de l’ordre notamment lors des manifestations. Après plus d’un an de procédure judiciaire, la dernière étape vient d’être perdue avec le rejet de la Cour européenne des droits de l’homme.

Depuis plusieurs années, la CGT dénonce cet arsenal répressif visant toutes formes d’expression collective. Ainsi, l’évolution des techniques de maintien de l’ordre, favorisant non pas la désescalade mais l’affrontement entre les manifestants et les forces de l’ordre, ne fait que poursuivre ce mouvement de tension et alimenter la crainte d’aller manifester : nassage et utilisation systématique de bombes lacrymogènes lors d’importants événements populaires essentiellement pacifiques, redéploiement des « voltigeurs », recours à des techniques d’interpellation inappropriées, usage répété d’armes mutilantes…

Ce constat accablant est partagé par les instances européennes et internationales. Ainsi le Parlement européen, le Conseil de l’Europe et la Haut-commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU ont de manière unanime dénoncé les atteintes excessives à la liberté de manifester, l’escalade des violences policières contre les manifestants et notamment l’usage du lanceur de balles de défense (LBD).

De plus le rapport d’activité du Défenseur des Droits de décembre 2017, réitéré en janvier 2019, recommande lui aussi d’interdire l’usage des lanceurs de balle de défense dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre, au regard de la « dangerosité du LBD 40 et des risques disproportionnés qu’il fait courir dans le contexte des manifestations ».

Recours internes épuisés

Après un premier référé liberté rejeté début 2019 devant le Tribunal administratif de Paris et le Conseil d’Etat, une requête au fond devant le Conseil d’Etat a finalement été aussi rejetée le 24 juillet 2019. Le Conseil d’État considère que l’usage de la violence par certains manifestants justifie pleinement l’utilisation des LBD 40. Son utilisation serait parfaitement proportionnée et les blessures graves relèveraient exclusivement de la responsabilité individuelle des membres de force de l’ordre qui auraient éventuellement mal respecté les conditions d’utilisation.
Il renvoie donc les responsabilités à des individus alors que c’est bien la doctrine de maintien de l’ordre prônée par le ministère de l’Intérieur qui pose problème et l’utilisation d’armes dangereuses lors de manifestation.

Vers la juridiction européenne des droits de l’homme

Malgré ce rejet par le Conseil d’Etat, il nous est apparu essentiel de continuer le combat pour qu’enfin les autorités cessent de déployer ces armes dangereuses et mutilantes.
C’est pourquoi, une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme avait été déposée le 22 janvier 2020 pour violation de la liberté d’expression, de réunion et de manifestation, ainsi qu’au droit à la vie et au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants.

En effet il s’agissait de démontrer que ces armes, en provoquant des dommages irréversibles aux manifestants, portent atteinte à ces droits fondamentaux.

Cependant notre requête a été déclarée irrecevable selon la procédure de tri préalable à toute ouverture de procédure. Par un simple courrier, la Cour, statuant en juge unique, ne motive pas sa décision indiquant simplement que la requête ne remplit pas les conditions de recevabilité.

Vraisemblablement la Cour a du considérer qu’en tant qu’organisation syndicale, nous n’étions pas des victimes directes du LBD, n’ayant subi aucun préjudice direct. Pourtant, et c’était là le cœur de notre raisonnement, nous avions tenté de démontrer qu’en tant qu’organisation syndicale appelant régulièrement à manifester, et dont la manifestation est un outil essentiel de l’activité syndicale, le risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique encourue par les manifestants, portait atteinte à la liberté de manifestation jouant sur la dissuasion.

Certes ce risque d’irrecevabilité était connu par nos organisations, puisque la Cour a un taux très important de rejet pour irrecevabilité des requêtes. Mais cette décision reste particulièrement décevante dans un contexte de forte mobilisation sociale.

Il faut croire que la Cour européenne n’a pas voulu se saisir de cette occasion historique qui se présentait à elle pour la défense de ces libertés fondamentales.

Fin du combat ?

Si la bataille juridique semble à ce stade terminée, le combat syndical doit se poursuivre.

En effet la CGT continuera de dénoncer et de se battre pour la défense des libertés publiques, contre la répression syndicale et les violences policières. La CGT fait partie de plusieurs collectifs, visant la dénonciation politique des violences policières, il appartient à toutes les organisations de poursuivre ce combat afin d’obtenir notamment l’abandon et l’interdiction des armes mutilantes tels que le LBD.

L’actualité récente sur la colère légitime dans les quartiers populaires (http://www.regards.fr/politique/article/tribune-la-colere-des-quartiers-populaires-est-legitime) ou contre le racisme et pour le progrès humain et social nous oblige à réclamer et obtenir le « déconfinement » des libertés publiques pour qu’enfin les rassemblements et les manifestations soient de nouveau autorisés : https://www.cgt.fr/comm-de-presse/tout-comme-la-sante-nos-libertes-ne-sont-pas-negociables

C’est dans ce sens que la CGT a entamé un recours en urgence aux côtés de la FSU, Solidaires, le SAF et le SM pour demander au Conseil d’Etat de lever l’interdiction générale et absolue de manifester et de se rassembler ! L’audience aura lieu en début de semaine prochaine.