LE GOUVERNEMENT FAIT-IL VRAIMENT LA GUERRE AU CORONAVIRUS ?

« Nous médecins, nous voulons redire que notre engagement contre la maladie sera sans faille, aucun d’entre nous ne manquera à l’appel. Nous ferons tout pour soigner le plus possible de malades dans les meilleures conditions, mais aujourd’hui nous ne pouvons plus nous taire. »

21 mars 2020

Alors que nous manquons déjà de lits de réanimation, de masques, de respirateurs, de bras, … la loi d’urgence sanitaire prise par le gouvernement ce mercredi 18 mars donne tous les droits aux préfets aux employeurs pour remettre en cause le code du travail et les statuts de la fonction publique. Était-ce réellement l’urgence ? Mais rien sur les usines réquisitionnées pour fabriquer masques, respirateurs… Rien sur la réouverture des lits nécessaires. Rien sur le dépistage systématique qui a fait ses preuves en Allemagne et en Corée du Sud. Qu’en est-il aujourd’hui, dans notre pays de cette logistique nécessaire pour gagner le combat contre le coronavirus ? Le pouvoir exécutif semble en décalage entre les annonces rassurantes, la volonté affichée de transparence et la réalité du terrain que les soignants font remonter sans cesse et de tous lieux. Deux exemples, ils sont aussi simples que vitaux. Alors que depuis des années les structures hospitalières sont matériellement asphyxiées par les enveloppes budgétaires, on nous annonce la fabrication de masques sans que soient donnés d’éléments précis : combien sont produits ? Où ? Quels délais ? Quels moyens de livraison ? Quels modes de distribution ? Alors que depuis des années, les politiques gouvernementales ont supprimé des milliers de lits de réanimation et soins intensifs (passant d’environ 26 000 lits à 13 000), le pouvoir exécutif nous annonce la mise en œuvre de moyens exceptionnels.
Soit, mais la logistique étant cruciale, la confusion est mortelle : combien de respirateurs sont en cours de fabrication ?

À ce jour, quel préfet est en mesure de répondre aux soignants qui sont sur le front ? La responsabilité, l’urgence, du gouvernement est de fournir les armes et les moyens de combattre. La transparence est d’en rendre compte précisément. Nous, médecins, refusons de devoir choisir entre un malade grave que nous allons soigner et un très grave que nous allons laisser mourir. Nous, médecins, refusons d’exposer nos équipes avec des recommandations qui ne reposent pas sur les données acquises de la science mais sur les possibilités réduites de recours aux meilleurs soins. Nous faisons nôtres ces propos d’une collègue cheffe de service le 14 mars 2020 après une réunion à l’ARS et nous nous souviendrons quand viendra l’heure de la reconstruction des hôpitaux que nous n’avons pas pu compter sur vous messieurs et mesdames du gouvernement : « Madame la Directrice Générale du CHU, monsieur le Directeur Général de l’ARS Auvergne Rhône-Alpes, je veux bien après cette réunion de crise retourner dans mon l’hôpital organiser les services différemment pour accueillir la médecine à la place de la chirurgie fabriquer un service de 10 lits de réanimation de toute pièce et en urgence, nous avons d’ailleurs déjà commencé depuis vendredi, je veux bien risquer ma vie et celle de mes équipes en soignant tous ces malades qui vont arriver. Jamais je ne vous ai attendu pour prendre une telle décision. Mais, s’il vous plaît, ne me parlez pas d’union nationale, ne me parlez pas de votre efficacité, ne parlez pas de vos responsabilités, ni de l’implication des ministres qui ont fermé tous ces lits et laissé périmer tous ces masques. » À grands coups de : « il y a trop de lits hospitaliers en France… la télémédecine va résoudre les problèmes des déserts médicaux… Le tout ambulatoire et les filières de soins régleront le problème de l’engorgement… il faut choisir entre les malades et tenir compte du rapport coût/bénéfice… », ils ont considérablement détruit notre système hospitalier depuis des années et des années. Nous ne pouvons pas attendre la fin de l’épidémie, c’est maintenant, tout de suite qu’il faut prendre les mesures pour le rétablir. Et pour cela on ne peut compter que sur la mobilisation en direction du gouvernement.

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Lettre ouverte (21-03-2020)