Les cahiers du numérique n°1 – Mai 2017

Le numérique à quel prix ? Le coût humain et environnemental des nouvelles technologies

Les enjeux autour du travail, pour nous syndicalistes, ne se résument pas seulement aux questions fondamentales des rapports de production. Il faut aussi prendre en compte le processus de production en lui-même, la manière dont on produit et l’usage de ce que l’on produit à travers la consommation.

Cette contribution s’inscrit dans un débat bien plus large sur l’éthique et le contrôle de la production. Nous sommes en effet face à un double paradoxe. En tant que travailleur, nous produisons des choses qui contribuent à détruire notre environnement. En tant que consommateur, nous utilisons des objets qui sont produits dans des conditions souvent inhumaines.

L’objectif de ce cahier est de permettre une prise de conscience à partir de l’exemple du numérique. Nous verrons ainsi la « vraie vie » des composants d’un smartphone qui transite de l’enfer des mines du Kivu à l’univers carcéral des usines d’assemblage de Taïwan et de Chine avant d’arriver entre nos mains. Nous verrons aussi le trajet d’un courriel ou d’une requête internet et son empreinte carbone qui, elle, n’a rien de virtuelle.

Le numérique est une bonne illustration du capitalisme moderne. Son évolution s’oriente vers les services dans les économies occidentales. Ces dernières gèrent la phase de consommation en alimentant ainsi une division internationale du travail profondément inégalitaire qui laisse aux pays du tiers-monde le soin de produire et de recycler le matériel quel qu’en soit le coût écologique ou humain. C’est cet envers du décor qui nous intéresse ici. Loin de la technophilie ambiante, le fait de s’interroger sur le véritable coût du numérique permet de remettre en cause les fondements idéologiques du discours dominant sur le numérique : innovation, développement durable, fin du travail, dématérialisation… C’est bien ce « nouvel esprit du capitalisme » qu’il s’agit de démystifier.

Ce cahier tentera donc de dresser ici un bilan de ce coût invisible qui se matérialise pourtant au quotidien dans les objets connectés que nous utilisons. Si des solutions existent à l’échelle individuelle pour limiter l’impact de nos usages, il faut aussi s’interroger sur notre capacité à agir collectivement, notamment à travers l’action syndicale, pour changer notre manière de produire et de consommer. L’impact du numérique, qu’il soit social, humain, écologique, éthique ou économique, invite à articuler une réflexion aussi bien sur l’infrastructure productive que sur les usages sociaux de ce qui est produit.

Nous ne pouvons ignorer que le bien-être des travailleurs que nous défendons ne peut avoir lieu que dans un environnement sain. C’est à nous de lier économie et écologie autour de revendications qui réconcilient le progrès technique avec le progrès social et la sauvegarde de notre planète.

Les cahiers du numérique n°1 - Mai 2017